Muséum in progress – Billboards
Affichage sur 2500 panneaux publicitaires Gewista.
Vienne 2001-2002.
Muséum in Progress / Gewista /Austrian Airlines.
En juillet 2001, Isabelle Arthuis a été sollicitée pour participer, en tant qu'artiste - au World Economic Forum de Salzburg. Dans la cadre d'une collaboration avec le Dr Lothar Beckel (Satellite Geographer, institute for Global Mapping and Research), elle y a utilisé des images satellites de l'Europe dont elle a proposé une lecture, en marge. L'image satellite est une photographie, une image globale qui contient en elle – virtuellement – une infinité d'images, un monde qui en implique mille autres. C'est aussi une image readymade, en partie illisible pour qui n'est pas météorologiste, géographe ou militaire. Isabelle Arthuis s'approprie souvent des images. Photographe, elle comprend la réalité, avec ses strates et ses degrés, expérience du monde, expérience de l'image, sans discrimination. Chaque année Museum in Progress – avec l'appui d'Austrian Airlines - met des panneaux d'affichage, disséminés à travers Vienne, à disposition d'un artiste. Confrontée à cette proposition, Isabelle Arthuis a d'abord posé le geste de la retourner à l'envoyeur : sur un des modules des affiches, elle a imprimé les mots Museum in Progress, c'est aussi le titre qu'elle a donné à son œuvre. Peut-être pour partager les responsabilités : celles d'investir l'espace publicitaire, d'inonder la ville avec ses images - et quelle ville, dans quel pays, à quel moment! ou encore celle de collaborer avec une compagnie aérienne. Peut-être parce qu'il s'agit de la rencontre providentielle entre une pratique de la photographie qui s'accommode mal des restrictions inhérentes aux conditions de l'art contemporain avec une organisation qui n'a de cesse de proposer des alternatives à ces conditions ou encore de la rencontre entre une notion du déplacement, intrinsèque et commune aux activités du Museum comme à celles de l'artiste. Pendant qu'elle est occupée à embrasser toutes les images du monde, Arthuis travaille aussi à ne les arrêter que provisoirement. Elle invente des dispositifs, tels le diaporama sur bruxelles ou l’édition des cartes postales, qui lui permettent d'utiliser chacune de ses images dans sa relation aux autres, de créer des espaces – entre ces images – où vient s'engouffrer le mouvement de l'expérience, à la fois spécifique et global. Telle cette image satellite avec laquelle elle a choisi de commencer un affichage – accrochage où se rencontreront les déplacements de toutes natures. De celui du passant qui rencontrera ces images aux rythmes des véhicules qu'il emprunte à celui des images elles-mêmes, image abstraite et picturale du satellite, puis images concrètes de la photographie, zooms sur des moments d'existence qui viendront progressivement recouvrir la première en alternance avec les signes du titre ou le noir complet – pause. Déplacements opérés par les afficheurs à qui incombe la composition des panneaux, images qui tisseront un patchwork toujours renouvelé, agenceront une vérité ouverte par le jeu du hasard et de la différence. A l'opposé de toute logique publicitaire, à l'opposé de toute logique totalitaire. Une réalité sans cesse décomposée et recomposée, au gré de déplacements autrement plus enivrants que la va et vient répétitif des avions qui sillonnent le ciel administratif de l'Europe.
Anne Pontégnie.