La grotte de Donant
Belle ile en mer, 1999
photographie noir&blanc réalisée à la chambre.
*Affiche: 300 x 400 cm
Sérigraphie N&B en 8 parties, impression sur papier blue/back
Collection FRAC Bretagne
Belle île en mer - Hiver 1998
Il y a dans les images de grotte quelque chose de fascinant, quelque chose qui nous place immédiatement dans un autre rapport au temps, à l'espace, au monde. Ce monde observé comme par une fenêtre, ce paysage cadré naturellement nous ouvre un point de vue idéal, une image parfaite, en mouvement, vivante, tandis que physiquement, dans l'immobilité contemplative, la grotte nous enveloppe, nous absorbe par son obscurité, nous ramenant à l'origine même de la vie, aux cœur de nos expériences, de nos histoires, libérant notre mémoire, notre
imaginaire. Depuis longtemps la grotte était présente dans mes photographies, obsessionnelle comme une image surréaliste. La mer, le paysage ouvert et lumineux, l'horizon où le regard se perd, l'obscurité caverneuse, l'intimité absolue et exclusive étaient autant de points pour s'attacher et travailler à une image où le temps est en suspend, où notre rapport à l'espace est modifié et devient le champ d'expériences visuelles et personnelles. Lorsque j'ai commencé à parler de ce projet de photo à Belle Ile, les insulaires m'ont aussitôt fait part de leurs rapports et de leurs expériences à la grotte ; La mémoire renaissait, les histoires profondément ancrées dans la Bretagne décrivaient la grotte dans ses mythes les plus populaires ; Passage dans l'au-delà, antre du diable, cachette pendant les guerres, lieu des passions, caverne des pirates, point stratégique des naufrageurs. Les naufrageurs ; Ces hommes qui pour nourrir leur famille, construire leur maison, s'armer contre l'ennemi ou s'enrichir, échouaient les bateaux sur les récifs en allumant des feux sur la côte et les plages que les marins prenaient pour des signaux d'entrée dans les ports. La grotte contenait les histoires tues. Pour ces gens de la côte, la grotte est le dessin des récits et de l'activité perpétuelle de la mer. Elle est modelée, creusée, façonnée à l'image de la mer. La grotte peut être à la fois monstrueuse, inquiétante, obscure, morbide et mortelle, mais aussi nourricière, aimante et aidante, magnifique et majestueuse. Elle est un paradoxe. Dans mon projet il était important de définir comment et où cette image allait exister tout en gardant son intensité, son sens et son caractère original. Il me semblait que pour être dans le rapport initial à cette image, le format de l'image devait être aussi physique que l'expérience réelle au lieu. Sur les murs des villes, face au mouvement de la vie, la grotte fige le temps et l'immortalise dans une action de bord de mer. Dans un rapport au voyage, elle dédouble notre propre déplacement, nous emmenant sur les chemins de l'imaginaire. En confrontation avec l'architecture et l'urbanisme, au cœur des actions, des déplacements, des croisements et des rencontres, la grotte de Donant est un trou de lumière qui s'ouvre sur l'espace marin et le paysage côtier, sur une parole, sur un acte poétique et mythologique.